Salve, magne parens frugumque virumque, Mosella !
Le Nord !
Industrie lourde et mauvais temps
Villes « tentaculaires »
Pluies, brumes, neige
Bistouille et wambrechies
Mais tout bascule à parcourir du Nord non extrême les chemins en
Artois, Picardie,
Ardenne, Thiérache
Forêt de Mormal
Meuse, Argonne
Hoge Veluwe,
Eifel, Hunsrück, Nahe,
Rhénanie où à Coblence se jette via Trèves la Moselle…
Salut, Moselle, mère des fruits et des hommes !
écrit le poète Ausone (310-395), né lez Bordeaux, enseignant grammaire et rhétorique à Toulouse. Il rejoint en 364 l’empereur Valentinien 1er à Trèves pour devenir le précepteur de son fils, Gratien.
« De la Garonne à la Moselle », voilà sa véritable œuvre de fondateur de l’Europe des sentiers dont son célèbre poème Mosella ne serait qu’une partie.
Sa trace depuis Bingen sur le Rhin jusqu’à Trèves et Neumagen le long de la Moselle, je l’ai suivie sur des sentiers maintenant balisés dans cette quasi-Ardèche proche de Bruxelles où l’on perçoit la présence encore assourdie des légions piétinant le schiste parmi les vignes, les crêtes où fleurit l’amélanchier, et les bourgs blancs sur les versants.
Comme don, de Trêves à Coblence par les deux rives le « Haut chemin de la Moselle », « Moselhöhenweg.
Après les Celtes et les Légions, s’activèrent les moines et les comtes von Sponheim qui, du bourg de Starkenburg réfugié sur la crête, rive droite de la Mittelmosel, Moselle centrale, régnèrent jusqu’au Rhin.
Comtes et moines ouvriront le chemin par lequel Hildegarde de Bingen (1098-1178) brisera le monde des structures strictes du Moyen-Âge en une vision temporelle qui tient compte des hommes, des fleurs, du vivant tout entier « dans l’épaisseur du monde ».
Dès lors
Que la sagesse souffle dans la vie
Et avec la sagesse, la joie.
“L’infini nous fait dépasser complètement toute opposition”, poursuit le cardinal Nicolas de Cuse (1400-1464), cet autre aventurier de la Mittelmosel qui navigua vers Constantinople pour négocier la fin du schisme et parcourut l’Europe afin de réformer l’Eglise.
Selon cet homme d’action et de pensée, c’est du chemin lui-même que le voyageur tient son être de voyageur :
Où ? Sur le chemin,
Par où ? Le long du chemin,
D’où ? Du chemin,
Pour aller où ? Vers le chemin.
Voie multiple où se rejoignent fini et infini.
Où que j’aille parmi ces plateaux, bois, vallons, terroirs dont ce terrible Calmont, vignoble accroché aux parois, je suis partout en cette Europe de César, Grégoire le Grand, Charlemagne, Jean Monnet, Conrad Adenauer, Jacques Delors et des innombrables marcheurs dans toutes les directions, de Rome à Trèves, de Trèves à Santiago, du Guadalquivir à la Frise via Trèves, de Coblence à Edinburgh, Gdansk et Bratislava…
Ce terroir que je vois là, que Nicolas de Cuse a contemplé il y a plus de 500 ans, fait « sentir » l’Europe, celle toujours en devenir pour être.
Sensation acquise par le simple fait de la marche sur des sentiers témoins de l’histoire.
Peut-on déjà déceler la spécificité des chemins de l’Europe ?
Ce serait réduire ce continent. Il convient de creuser davantage pour approcher de l’intolérante vérité.
(à suivre)