Picardie, Histoire et Biotope

Je ne pensais plus revoir du blé sur pied en cette fin du mois d’août. Sur le terrain, tous azimuts, le rutilement des champs moissonnés, tâché parfois d’un bosquet, sur les versants, et bien au-delà, de la vallée de l’Avre. Signe de richesse acquise.

L’origan abondant comme signe d’une flore peu banale, l’Avre alimentant les étangs, les horizons lumineux, activaient l’alchimie d’une marche redonnant vie aux souvenirs.

Au loin sur un vaste plateau dominant la vallée, une machine à l’arrêt suggérait l’interruption provisoire de travaux déjà largement achevés. Elle se trouvait comme une balise au début du chemin que je devais prendre. Je m’y dirigeai en foulant les rêches éteules. De face la moissonneuse semblait prête à redémarrer. Son flanc dévoilait tout autre chose. Flanc mis à nu par le feu, dépouillé, livrant un incroyable enchevêtrement de ferrailles roussies, de câbles calcinés, de disques figés, de tôles gondolées … Une suie grise jonchait le sol noirci. L’absence de toute vie humaine renforçait une impression de drame.

C’est ainsi que j’imaginais l’après d’une bataille de chars, alors que des cadavres ont été évacués.

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Le lendemain autre biotope non loin de l’ancienne route de Roye sur Paris, aux environs de Belloy.

Un larris exceptionnel. « Larris » terme picard pour désigner une lande à genévriers sur sol calcaire, autrefois pâturée par les moutons, aujourd’hui rendue à la nature. Biotope fréquenté par des fleurs comme l’anémone soufrée, l’orchidée, la gentiane d’automne, le thym serpolet, l’origan…

Terre où l’on erre, le regard oscillant entre le sol et les horizons extrêmes. Cachée dans les herbes déjà une gentiane.

Sur le chemin entre deux collines un panneau : juin 1918 - mémoire des chars. Évocation de la bataille du Matz, épisode de l’offensive Ludendorff qui tentait la percée vers Paris. Offensive brisée par l’armée française réorganisée par le général Pétain.

Un autre panneau indique l’endroit où d’énormes chars Saint-Chamond ont été détruits par les allemands. Épaves comme la moissonneuse-batteuse de hier dans la vallée de l’Avre !

Ma visite de celle–ci avait été prévue, non celle du larris d’aujourd’hui.

Un événement dû au hasard avait fait la jonction entre deux événements disjoints.