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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 13:44

 

 

 

 

 

 

 

 

SahrBachtal 052                                           

De l’Eifel au Rhin, les méandres de l’Ahr, qui arrose un des plus nordiques vignobles d’Europe, reflètent la hardiesse des vignes qui s’accrochent aux coteaux abrupts.

Composition abstraite de parcelles taillées en carrés qui s’équilibrent. C’est l’ordre d’un livre divisé en chapitres, paragraphe, phrases dans lesquels se glissent le récit d’un devenir.

Rarement en si peu d’espace tant d’éloignements possibles. Cette vallée est un organisme qui se ramifie en une série de vallons latéraux qui caractérisent des biotopes différents, comme la haute Eifel et la Sahrbachtal. Un programme pour des années d’inventaire. La Sahrbachtal révèle l’abandon d’un espace agricole, l’intention d’un retour à la nature. A l’opposé, dans la boucle de Rech, se dresse la muraille boisée, limite Nord de l’Eifel dont les plateaux offrent le luxe du silence.

Comment expliquer cette réussite, à qui l’imputer ? Il faut au préalable exprimer ce qui provoque un sentiment d’harmonie. Je trouve une heureuse expression chez François de Sales : l’uni-diversité, c'est-à-dire unique avec diversité et divers avec unité. Revoilà la fameuse dichotomie de l’un et du multiple expérimentée par l’homme et la nature.

Le miracle, c’est la vallée telle que toujours à quelques kilomètres de grandes villes comme Bonn et Cologne. Comme si ses coteaux cuirassés par la vigne réalisaient une défense efficace.

Le vin est une passion. Le vignoble exige un travail continu de grande précision. Il accapare la totale attention de l’ouvrier vigneron. Il n’est pas de répit. Toute saison requiert un effort particulier. Des petites routes sinueuses conduisent les travailleurs à leur emplacement du jour. De loin en observe leurs silhouettes courbées entre le cosmique et le quotidien.

Le schiste (roche à structure feuilletée de dépôts naturels dus à l’action d’agents dynamiques externes), la terre noire, les terrasses et murets emmagasinant la chaleur, structurent le climat d’un terroir favorable au pinot noir.

 

SahrBachtal 041

La qualité du vin n’a pas toujours été constante. La vallée a connu ses abandons, ses réformes, ses renouveaux. Toujours des hommes sont venus prendre conscience du potentiel de ce biotope et ont entrepris de le mettre en valeur en utilisant des techniques et des méthodes souvent nouvelles. Des lambeaux de terre, parfois totalement isolés, où la vigne fut arrachée, envahie par les ronces, sont reconquis, on ne sait pour quelle raison, quel coup de cœur ou plan d’ensemble. Et Mayschoss abrite la plus ancienne coopérative vinicole d’Allemagne.

La vallée de l’Ahr vise maintenant une grande qualité. On y pratique la sélection manuelle de grains par grappe. Le temps annuel moyen de travail de l’ouvrier vinicole de cette vallée, où vendanger c’est aussi grimper, est le double de ce qu’on trouve ailleurs.

A Rech, dans une des grandes boucles de l’Ahr, nous trouvons le vrai printemps, celui de l’aubépine le long des vignes et sur les coteaux éparpillé.

Le lendemain nous marchons sur les pas de Gottfried Kinkel qui en 1841, en vrai romantique, tenta un vécu cathartique pour faire face à des peines de cœur et alimenter une pensée de poète et de chercheur scientifique. Le ciel est menaçant. Mais la tourmente venant du Rhin se casse le dos au passage des contreforts de l’Eifel. La pluie nous arrive clairsemée.

Le Sahrbachtal nous avait offert un raccourci pour atteindre le plateau. Paysages juxtaposés de vallons, de coteaux et de plateaux où au détour du chemin apparaît un souvenir du grand affrontement de 40-45 dans sa dernière phase.

« Zum Gedenken des Gefallenen ».

Les tombés d’une armée qui cherchait la chimère ne pouvant remplacer ce que son pays possède en abondance, culture et art de vivre. Mais n’est-ce pas là l’essence de la condition humaine ? Les tombés. Pourquoi ceux-ci, pourquoi ici alors ? Comment ne pas être conscient de la faveur qui nous est octroyée de pouvoir marcher maintenant librement ?

L’Histoire laisse des traces. Sous les coteaux de Marienthal se trouve l’ancien Regierungsbunker, aujourd’hui centre de documentation sur la guerre froide, qui devait abriter les organismes centraux de la Bundesrepublik en cas de guerre atomique.

La vallée fut un corridor d’invasion pour Louis XIV ; un réseau de fortifications médiévales dont sur un éperon central, la forteresse de Saffenburg (11è siècle) vers laquelle convergent les vignes restaurées. Le pinot noir date du septième siècle, implanté par des moines venant de Bourgogne. Féconde invasion, celle–ci, qui réjouit les cœurs.

« Le langage produit une organisation de l’expérience », dit le linguiste Whorf (1936).

Il en va de même pour ce langage que constitue un biotope parcouru en un itinéraire qui en dévoile les facettes multiples. Lire et unifier,  rôles majeurs du marcheur.

 

 AhrWacholder 201

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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 06:35

 

Les horizons de la Picardie évoquent ceux des  grands causses.

Comme même caractéristique, l’infini.

plateauPicard

 

Sur grandes étendues un plateau agricole fissuré de vallons verdoyants faits de pâturages et de bocages. Pays à la fois ouvert et intime. Il est parcouru de rivières tranquilles, L’Avre, l’Ancre, l’Hallue qui se jettent dans la Somme. Celle-ci débouche sur la mer en un estuaire grandiose.

 

Mais la Somme c’est aussi l’évocation de l'effroyable grande guerre. Entre Ypres et Péronne, le front fut défendu par les troupes du Commonwealth.

Les terribles combats de juillet 1916 restent ancrés dans les mémoires.

 

Combats aux inépuisables vestiges.  Somme 083

 

 

 

 

 

 

 

 

Toujours à la recherche de chemins qui cherchent, je débouchai dans un vallon inconnu. Un Somme-123.jpgpetit panneau y indique le nom d’une division galloise: « 38 ain Rhaniad Cymreig ».

   

 

C’est un «val qui mousse de rayons ».

Le petit asphalte est relayé par un chemin de terre.

Aucun habitat.

Soudain sur ma droite, en contrebas d’un talus, le monument.

 

  

En rouge vif rayé de noir, tout en contorsions de ferrailles, un dragon toujours en lutte. Nous sommes en face du bois de Mametz non loin de Contalmaison.

J’apprendrai plus tard l’épisode tragique de combats qui n’aboutirent à aucun résultat décisif. Tout ce front témoigne d’une vaillance et de souffrances gratuites.

 

Le monument !

 

Par sa simple présence il divise l’espace entre deux continents. D’un côté la nature, de l’autre la culture. Pictogramme, tout un récit à lui seul. Comme certaines images marquées par la réussite, il est plus qu’une représentation, il est une dynamique, il est encore toujours en action.

Inattendu, outrancier comme cet autre Gallois, John Cowper Powys, il témoigne de l’imagination celte qui aussi put se manifester dans l’harmonie des enluminures.

 

Chaque détail reflète par sa véhémence l’entièreté du monument.  

 

Une Fractale !

 

Monument unique et multiple comme si toute la division revenant de combat s’était agglomérée en une solidarité définitive.

 

D’où vient cette forme ? Certainement du plus profond de la conscience collective d’un peuple. Peut-être est-elle signe d’une distinction entre le bien et le mal.

Séparation aussi des armées qui chacune défendait une idéologie.

Monument du vainqueur qui paya cher sa victoire.

Quelle victoire ?

Car aujourd’hui, en 2011, les ennemis d’hier tentent de construire ensemble un continent unifié.

Comment définir l’Homme qui hier peut mener une guerre acharnée et aujourd’hui oser la paix ?

 

Ce monument est un pictogramme descendant de l’art rupestre pour distinguer l’oubli du souvenir.

 

Les chemins parcourent l’espace sans révéler d’emblée ce qu’ils cherchent. Très anciens souvent, ils ne sont pas de toujours. Combien de chaussées romaines ensevelies sous l’asphalte ou anéanties par les pelles mécaniques.

Chaque chemin cherche et se fond dans un autre chemin sans que l’on sache s’il a trouvé ce qu’il cherchait ou s’il s’est trouvé lui-même.

Reste un réseau d’apparence arbitraire d’éléments souvent issus de la nécessité.

 

Le chemin que j’ai pris pour aboutir au val, utilisé par le charroi agricole, cherchait sans doute à donner accès à un monument peu fréquenté. Car il suffit d’un visiteur pour mettre l’oubli en échec.                                     

« Nous sommes dans un lieu peut-être privilégié par l'Evolution même pour qu'Elle puisse SE PENSER », lit-on dans la « Chronique du Recodier ».

 

Somme-082.jpg

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