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2 février 2014 7 02 /02 /février /2014 08:41
Canal le long du Potomac

Canal le long du Potomac

On comprend par la différence.

La comparaison avec un autre continent permet de mieux saisir la spécificité de l’Europe des sentiers.

Le Canada et les USA ont leur propre conception de l’espace disponible pour la marche.

On y randonne dans des parcs dont l’accès est généralement réglementé ou même payant.

Parcs préservant une nature sauvage, témoignage de la Wilderness d’antan. L’ours y est présent (any bears ? demandent parfois les randonneurs que l’on croise.)

Les responsables de parcs envisagent de fermer des tronçons si un ours se nourrissant de bleuets entre en conflit avec des randonneurs. "Really our message is that the bear is going to come first, people are going to come second".

Le Canada, riche en lacs et rivières, reste l’espace du canot avec ses aléas comme le portage pour franchir les rapides.

S’il est randonneur, le visiteur doit parfois se contenter d’un sentier de  deux kilomètres, cinq kilomètres…

A partir d’ottawa il m’a fallu parcourir 1000 kilomètre en bus pour atteindre le lac Supérieur au lieu dit Michipicoten, afin de marcher 20 kilomètres le long de la Magpie River vers la ville anciennement minière de Wawa dont le nom signifie « oie sauvage » en langue Ojibwa.

Entrée soudaine dans une solitude d’autrefois soulignée par quelques croix sur les tombes de pionniers. Parfum balsamique des résineux.  Wilderness.

 

L'Europe des sentiers (suite 2)

Aux USA l’Appalachian trail  longe la mégalopole de Washington jusque dans le Maine. Un poumon assurément.

Mais il ne suffit pas de quitter la ville pour pouvoir marcher dans la nature. Où se trouvent la « campagne » et ses chemins de terre parmi les quartiers résidentiels, l'habitat rangé le long des routes, les zones industrielles, les lacs à castors difficilement accessibles ?

D’où ce genre de compte rendu :

"Maigres informations sur un sentier virtuel. Atteignons une tour dominant les lieux, par insipide asphalte résidentiel. Vue sur un rayon de cent kilomètres. Les forêts  infinies de l'Abitibi, du Temiscamingue et de la Verendrye, des lacs et quelques collines. Vue qui justifierait le voyage s'il fallait le justifier.

C'est un réel bonheur que d'être en Abitibi. Manque cependant de ne pouvoir poursuivre vers Chibougameau. ».

 

Entre la ville tentaculaire et les Parcs spectaculaires peu de possibilités à l’exception de quelques petites réserves très attrayantes comme celles que l’on trouve entre New-York et New-Haven.

Il est rare de ne pas rencontrer du monde durant la marche, ce qui n’est pas forcément dérangeant car il y a de la place, mais qui est significatif d’un besoin de consommation.

 

Pour les régions les plus spectaculaires comme celles que l’on trouve dans la Rockies qui par ailleurs drainent beaucoup de monde, la marche relève de l’expédition avec ses préparatifs, dont les réservations. Un système d’octroi de permis est en vigueur et risque d’être développé.

La pression humaine est très forte.

Il reste des « bouts du monde » d’accès encore libre. Au Québec, Chibougameau, qui veut dire "Le rendez-vous" en langue Cri, est la porte au Nord entourée de lacs alimentant l'Ashuapmuchuan, "là où l'on guette l'orignal", la dernière grande rivière non barragée qui se jette dans le lac Pikouagami, l’actuel lac St Jean où l'on pèche l'ouananiche, ce saumon à l'origine inconnue, d'eau douce ou de mer.

 

Certains espaces fascinent comme le parc de Banff-Assiniboine dans les Rockies de l’Alberta et la Nahanni National Park Reserve dans les North West Territories. Espaces réels et de l’imaginaire.

 

Le mont Assiniboine émerge comme une force vers laquelle convergent de puissantes crêtes. Montagne magique auquel on vouerait une partie de sa vie.

 

Le parc de la Nahanni, qui est une rivière tumultueuse, attire d’autant plus qu’il semble inaccessible. Un monde de solitude, de falaises, de crêtes, d'eau bondissante, de forêts et de plateaux dénudés.

La Nahanni river prend sa source à la frontière Est du Yukon, et se développe au Sud des  North West Territories où elle rejoint la Liard river qui se jette dans le légendaire fleuve Mackenzie.

Tout le paysage exprime une véhémence assagie par l'érosion due au temps. Des drames ont eu lieu, dont le souvenir est évoqué notamment par le nom de "Deadmen valley", comme en Europe, les cols "de l'homme mort" de différents massifs.

La puissance des chutes d'eau et la découpe rude des falaises sont l'oeuvre de forces primitives. Mais la lumière et la forêt adoucissent une grandeur qui pourrait avoir quelque chose d'effrayant.

Assiniboine – Nahanni, une certaine façon pour la nature d’exprimer l’absolu.

 

-x-

Mais quoi la « Wilderness » ?

Lieu désert, sauvage.

Le penseur américain Thoreau (1817-1862) en a formulé quelques aspects. L’état sauvage, c’est l’origine, le primitif, l’élémentaire qui se confond avec la vie, c’est la pensée libre loin de l’école, c’est le refuge dans l’imaginaire plus vrai que le réel pour qui est plongé dans la quotidienne intendance, l’élan vers l’Ouest pour les habitants de la mégalopole de Washington à Boston.

« Que serait le monde dépouillé d’état sauvage ? » se demande le poète anglais Hopkins (1844-1899). Le monde purement culturel est acculé à se renouveler sans cesse pour satisfaire l’esprit toujours en recherche que seuls les cycles de la nature peuvent apaiser comme une profonde respiration.

 

Mais une nature sans aucune trace humaine pourrait être oppressante. La simple présence d’un cairn alors apporte l’indice d’une discrète réalité humaine qui permet de mieux s’émerveiller à la vue de l’orchidée toute proche.

 

La différence avec l’Europe se situe dans la brutale dichotomie entre nature et culture.

L'Hudson vers Manhattan

L'Hudson vers Manhattan

En Europe il existe encore une campagne, souvent aménagée par des routes et des artefacts divers, qui dérivent d’une longue tradition agricole développée à l’origine par les moines au Moyen-Âge.

Du Sud au Nord se sont multipliés des terroirs qui résultent de l’adaptation des populations aux environnements, des environnements aux besoins des populations. Evolution qui eut lieu dans la durée.

Ces terroirs constituent le monde rural.

Les chemins sont apparus dans un but utilitaire. Certains furent abandonnés, d’autres se sont ramifiés selon les besoins qui changent. Ils sont témoins de l’histoire et constituent un authentique patrimoine.

 

La réalité est d’ordre ternaire.

 

Le territoire rural fait le lien entre ces opposés, la cité et le monde sauvage que l’on trouve encore dans les forêts et les montagnes d’Europe.

 

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